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Affichage des articles du juillet, 2017

Rire avec les dieux

Søren Kierkegaard a la réputation d'un philosophe des plus sérieux, voire austère. Mais on sait ce que vaut une réputation... Voici donc le texte choisi par Lucien Jerphagnon pour ouvrir son livre   L'homme qui riait avec les dieux. Il m'est arrivé quelque chose d'étrange. J'ai été ravi au septième ciel. Là, tous les dieux étaient assemblés. Par grâce spéciale me fut accordée la faveur de formuler un voeu. «Veux-tu, me dit Mercure, la jeunesse, la beauté, la puissance, une longue vie, la plus belle des jeunes filles, ou telle autre merveille parmi toutes celles que vous avons dans notre coffre ? Choisis, mais ne choisis qu'une chose.» Je fus un instant perplexe, puis je m'adressai aux dieux en ces termes : « Très honorés contemporains, je choisis une seule chose, c'est d'avoir toujours le rire de mon côté.» Pas un dieu ne répondit un mot, mais tous ils éclatèrent de rire. J'en conclus que ma prière était exaucée et que les dieux savaient s

L'art d'être mort

Ces mots étonnants sont ceux de Lucien Jerphagnon dans L'homme qui riait avec les dieux ... Je citerai plus tard les mots de Kierkegaard, non moins étonnants, placés en exergue du livre. Si la mort trouve quelque part sa place, c'est toujours dans l'imaginaire. Dans le réel elle n'est qu'un manque. Même dans un cimetière – ou surtout là – elle est absente ; il n'y a que paix, que plénitude du réel. Nulle part ailleurs le réel n'est aussi dense, sans la moindre faille. C'est le lieu tout indiqué du repos éternel. Mais ce pourrait être – et c'est effectivement – ailleurs tout aussi bien, puisque où l'on est posé on s'arrête. On s'abandonne au mouvement de l'univers. Mais n'y étions-nous pas déjà ? Y a-t-il aux yeux de l'univers en mouvement bien grande différence entre vie et non-vie ? Et n'avons-nous pas nous-mêmes un degré de conscience qui nous place à cet endroit... de l’œil de l'univers ? Que voudrions-nous de

Les morts parlent en dormant

"La mort n'est hélas plus ce qu'elle était" écrit un jour Lucien Jerphagnon dans ce qui deviendra ce livre, qui n'a paru qu'après sa mort,   L'homme qui riait avec les dieux. C'est à propos de l'art funéraire romain qu'il relève "qu'à Rome, l'art est toujours solidaire de l'art de vivre"... et même "si j'ose dire, l'art d'être mort"... "Oui, l'art d'être mort sans l'être tout à fait, vivant au moins dans la pensée des générations à venir." Je cite un paragraphe de cette "lettre à Lucilius de Lutèce" et j'oserai dans un autre billet y faire suite. Émouvante ronde des dieux et des déesses qu'on reconnaissait au premier coup d’œil, ballet funèbre dans lequel entrait le défunt, officier, commerçant, gamin même, trop tôt descendu au royaume des morts et qui de là vous souriait encore, entouré de Tritons ! Me revient ce relief funéraire conservé à Bordeaux, au m

Le silence heureux – suite

  « La solitude se situait à un niveau sur le fond duquel était tout le contraire.» Cette phrase de Marcel Conche m'apparaît maintenant comme une des plus belles phrases qu'il m'ait été donné d'apprécier. Une des plus lumineuses. Je me souviens qu'elle m'a arrêté dans ma lecture lorsqu'elle m'est apparue, la première fois. Je m'y suis repris pour la lire. Et c'est au cours d'une autre lecture qu'elle s'est posée tout doucement comme le soleil, l'été, sur le fond d'un cours d'eau. Et lorsque nous arriverons à la dernière phrase du chapitre, elle résonnera avec celle-ci, elle donnera aussi une clé définitive de cette entente silencieuse des deux esprits. Si je pense aujourd’hui à ces « silences heureux », c’est aussi en pensant à la solitude, qui en est le corrélat. La solitude est au fondement de la condition humaine, tout homme éprouvant la solitude de soi-même. C’est pourquoi, plus encore qu’être aimé, nous v

Le silence heureux

Ce titre est de Marcel Conche. C'est celui d'un chapitre de son livre "Épicure en Corrèze". Ne serait-il pas, parmi les philosophes, très paradoxalement, le plus proche de Montaigne , celui dont la pensée tiendrait le plus du plaisir d'écrire, en somme ? Je reproduis dans sa totalité ce court chapitre mais en le scindant en deux, comme on tourne les pages, pour le plaisir de la lenteur. Peut-être pourra-t-on mieux entendre monter ce vent de la voix, que renouvelle chaque lecture. Marcel Conche dit aimer la philosophie par-dessus tout, devant tout le reste, devant la littérature bien sûr –  prédilection de Marie-Thérèse (Mimi) –, et avant même l'amour d'une femme. Or il me semble aussi prouver le contraire : que la philosophie sait s'effacer derrière le silence heureux, la paix partagée sur fond d'infini. Je crois l'entendre m'assurer que c'est là justement la philosophie épicurienne. Oui, mais c'est son récit qui me touche, non