"La mort n'est hélas plus ce qu'elle était" écrit un jour Lucien Jerphagnon dans ce qui deviendra ce livre, qui n'a paru qu'après sa mort, L'homme qui riait avec les dieux.
C'est à propos de l'art funéraire romain qu'il relève "qu'à Rome, l'art est toujours solidaire de l'art de vivre"... et même "si j'ose dire, l'art d'être mort"... "Oui, l'art d'être mort sans l'être tout à fait, vivant au moins dans la pensée des générations à venir."
Je cite un paragraphe de cette "lettre à Lucilius de Lutèce" et j'oserai dans un autre billet y faire suite.
Émouvante ronde des dieux et des déesses qu'on reconnaissait au premier coup d’œil, ballet funèbre dans lequel entrait le défunt, officier, commerçant, gamin même, trop tôt descendu au royaume des morts et qui de là vous souriait encore, entouré de Tritons ! Me revient ce relief funéraire conservé à Bordeaux, au musée d'Aquitaine, figurant un enfant tout sourire tenant dans ses bras un gros chat dont un oiseau malicieux pince la queue... Tout cela vous parle, vous parle des dieux et des hommes, et de la tranquille résignation à devoir un jour dormir cette interminable nuit. Mais les morts parlent en dormant. Ils parlent d'espérance, d'amour fidèlement vécu, et peut-être bien d'éternité, même si personne ne s'entendait très bien sur sa nature. Et même s'il n'était pas garanti que l'on poursuivît l'aventure quelque part en compagnie des dieux, du moins était-on assuré de survivre dans la pensée des hommes. À Rome, on savait organiser la vie, la mort et même l'après-mort. Si bien accueilli était le défunt, entouré de si beau monde, qu'il avait l'air naturel, et pour toujours apaisé. Même les enfants, qui avaient de quoi jouer : balles, cerceau, trottinette. La nuit éternelle serait calme. Et qui sait... ? Si bien que le passant dont le regard d'attardait sur ce monde enchanté comprenait qu'il en irait de même pour lui. Et que, le jour fixé par les dieux, lui non plus n'aurait pas peur de s'endormir.
Lucien Jerphagnon, L'homme qui riait avec les dieux, Albin Michel, 2013
Fernand Léger, lithographie
Fernand Léger et toutes ces formes de couleur comme rêvées sens dessus dessous...et j'aime beaucoup Lucien Jerphagnon dont j'ai apprécié un entretien audio que je vais, du coup, de nouveau écouter, l'ayant, ces temps dernier, délaissé...Et j'aime Lucrèce, la connivence entre les deux hommes, le rire qui la scelle dans ce passage. "Les morts parlent en dormant", passagers fantomatiques, hauts en couleur, facétieux ou graves, de nos rêves. Merci pour ce donner à un lire amoureux.
RépondreSupprimerMerci beaucoup. J'apprécie ta connivence.
Supprimer(ici le correspondant de l'auteur est fictif, lui-même se donne la signature de Vale)