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Articles

Affichage des articles du février, 2015

Le tramway

Une particularité du Tramway par rapport à d'autres Claude Simon est qu'il est fait d'étapes plus ou moins courtes venant se raccrocher les unes aux autres, ou se remplacer, se modifier au gré du travail du matériau de mémoire. Il y a un tel plaisir palpable dans ce temps de lecture (même fait de chocs, d'émotion, de secousses, voire de terreur et de continents submergés) qui sollicite à chaque mot votre action de lecteur qu'on est aux antipodes du roman d'aventure qui vous emporte comme si vous étiez un voyageur docile. Claude Simon est le seul auteur (avec peut-être parfois Proust dans ses meilleures pages) dont j'ai envie de dire qu'il donne au lecteur, non pas l'impression, mais l'assurance d'être convié, comme un compagnon de confiance, à l'acte même d'écriture. Une telle expérience de lecture (participative) ne peut pas ne pas m'en rappeler une autre, plus unique encore, mais bien différente, que j'ai vécue adolescen

Retour de l'intruse

Le livre était revenu de l'imprimerie avec une faute d'orthographe sur la couverture. C'était ma faute. J'avais donné le bon à tirer. C'était aussi – je l'ai su tout de suite – la marque de ma faute confondue à celle du personnage, j'avais ajouté ma voyelle muette à l'intérieur du mot que je lui prêtais : éperduement. C'est ainsi qu'il l'aimait, cette gamine de quinze ans, lui le quinquagénaire : avec, à l'intérieur, la marque de sa perte (la sienne propre, irrévocable, plus que de sa disparition à elle, inscrite dès son premier passage fulgurent de mouette rieuse.) Ainsi, ce e muet , dans mon imagination de lecteur, s'était-il ouvert béatement à l'ombre d'une jeune fille en fleur, (par la même occasion, venant me rappeler mon premier amour d'adolescent, perdu presque aussitôt.) Néanmoins, c'était là superfétatoire marque de décadence stylistique, l'inverse de la disparition de Georges Perec. En tous les cas, c&

Le lien

Le lien de communication entre les hommes s'appelle l'imagination. C'est l'air commun sans lequel la parole ne peut respirer. C'est le sol commun sans lequel elle ne peut faire un pas. C'est ce que nous a appris Robert Antelme. Je cite le début de son avant-propos à L'espèce humaine .    Il y a deux ans, durant les premiers jours qui ont suivi notre retour, nous avons été, tous je pense, en proie à un véritable délire. Nous voulions parler, être entendus enfin. On nous dit que notre apparence physique était assez éloquente à elle seule. Mais nous revenions juste, nous ramenions avec nous notre mémoire, notre expérience toute vivante et nous éprouvions un désir frénétique de la dire telle quelle. Et dès les premiers jours cependant, il nous paraissait impossible de combler la distance que nous découvrions entre le langage dont nous disposions et cette expérience que, pour la plupart, nous étions encore en train de poursuivre dans notre corps. Comment nous