Le lien de communication entre les hommes s'appelle l'imagination.
C'est l'air commun sans lequel la parole ne peut respirer. C'est le sol commun sans lequel elle ne peut faire un pas.
C'est ce que nous a appris Robert Antelme. Je cite le début de son avant-propos à L'espèce humaine.
Zoran Mušič 1970
C'est l'air commun sans lequel la parole ne peut respirer. C'est le sol commun sans lequel elle ne peut faire un pas.
C'est ce que nous a appris Robert Antelme. Je cite le début de son avant-propos à L'espèce humaine.
J'entends résonner le mot délire : un véritable délire – comme aussi ce qu'il n'est pas possible de lire.Il y a deux ans, durant les premiers jours qui ont suivi notre retour, nous avons été, tous je pense, en proie à un véritable délire. Nous voulions parler, être entendus enfin. On nous dit que notre apparence physique était assez éloquente à elle seule. Mais nous revenions juste, nous ramenions avec nous notre mémoire, notre expérience toute vivante et nous éprouvions un désir frénétique de la dire telle quelle. Et dès les premiers jours cependant, il nous paraissait impossible de combler la distance que nous découvrions entre le langage dont nous disposions et cette expérience que, pour la plupart, nous étions encore en train de poursuivre dans notre corps. Comment nous résigner à ne pas tenter d'expliquer comment nous en étions venus là ? Nous y étions encore. Et cependant c'était impossible. À peine commencions-nous à raconter, que nous suffoquions. À nous-mêmes, ce que nous avions à dire commençait alors à nous paraître inimaginable.
Cette disproportion entre l'expérience que nous avions vécue et le récit qu'il était possible d'en faire ne fit que se confirmer par la suite. Nous avions donc bien affaire à l'une de ces réalités qui font dire qu'elles dépassent l'imagination. Il était clair désormais que c'était seulement par le choix, c'est à dire par l'imagination que nous pouvions essayer d'en dire quelque chose.
Zoran Mušič 1970
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