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Le tramway

Une particularité du Tramway par rapport à d'autres Claude Simon est qu'il est fait d'étapes plus ou moins courtes venant se raccrocher les unes aux autres, ou se remplacer, se modifier au gré du travail du matériau de mémoire. Il y a un tel plaisir palpable dans ce temps de lecture (même fait de chocs, d'émotion, de secousses, voire de terreur et de continents submergés) qui sollicite à chaque mot votre action de lecteur qu'on est aux antipodes du roman d'aventure qui vous emporte comme si vous étiez un voyageur docile.
Claude Simon est le seul auteur (avec peut-être parfois Proust dans ses meilleures pages) dont j'ai envie de dire qu'il donne au lecteur, non pas l'impression, mais l'assurance d'être convié, comme un compagnon de confiance, à l'acte même d'écriture.
Une telle expérience de lecture (participative) ne peut pas ne pas m'en rappeler une autre, plus unique encore, mais bien différente, que j'ai vécue adolescent, avec le Journal d'Anne Frank : Je devais physiquement revivre chaque phrase, chaque mot pour m'en faire le récepteur immédiat. Lire, c'était dire, à mesure, comme sous la dictée, comme un témoin qui prend le relais qu'on lui donne. Mon corps participait, au début je ne savais pas comment me mettre, puis c'est à genoux que j'ai lu.

photo r.t

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