Le livre était revenu de l'imprimerie avec une faute d'orthographe sur la couverture. C'était ma faute. J'avais donné le bon à tirer. C'était aussi – je l'ai su tout de suite – la marque de ma faute confondue à celle du personnage, j'avais ajouté ma voyelle muette à l'intérieur du mot que je lui prêtais : éperduement. C'est ainsi qu'il l'aimait, cette gamine de quinze ans, lui le quinquagénaire : avec, à l'intérieur, la marque de sa perte (la sienne propre, irrévocable, plus que de sa disparition à elle, inscrite dès son premier passage fulgurent de mouette rieuse.) Ainsi, ce e muet, dans mon imagination de lecteur, s'était-il ouvert béatement à l'ombre d'une jeune fille en fleur, (par la même occasion, venant me rappeler mon premier amour d'adolescent, perdu presque aussitôt.) Néanmoins, c'était là superfétatoire marque de décadence stylistique, l'inverse de la disparition de Georges Perec. En tous les cas, c'est l'imagination qui permet de lire, d'écrire et d'analyser – le langage, tout langage, pendant ce temps, se meut et se tortille, au milieu, comme une argile, et va toujours plus vite que vous, ou moins vite.
Henri Matisse
Henri Matisse
Commentaires
Enregistrer un commentaire