lecture collage
certaines images
se poser sur la page
entre nuit et jour
j'entends deux battements d'ailes
et je vois le pigeon tout près
qui me dépasse
la fenêtre à mon oreille
la page s'envole me fouette sa présence
lecture lectures
collages décollages
j'embrasse le présent
Si l'on veut se rendre présent
dit Marcel Conche
il dit — avant d'écrire — et je le vois encore, l'entends
( Présence de la nature, ici un extrait de l'introduction : )
« Si l'on veut se rendre présent à la présence de la Nature, ce qui est requis est non pas l'ingéniosité du doute cartésien, mais, au contraire, un supplément de naïveté, par laquelle on revient, en deçà même des évidences communes, à une évidence première, plus immédiate.
Certes, Descartes philosophe, comme il convient, à partir de ce qui se montre, mais que se passe-t-il aussitôt ? Il doute que ce à quoi il a affaire, sensoriellement, soit effectivement réel ; il se demande même si les vérités abstraitement déduites ne seraient pas des fictions pures. Il n'est certain que de sa propre pensée. Toutefois, il ne dit pas je suis pensant, comme Spinoza qui, sur ce point, le corrige, mais je pense, donc je suis. Il se saisit, croit-il, comme effectivement réel : s'il "pense", il ne peut pas douter d' "être". Mais de quel droit use-t-il de ce mot ? "Car pourquoy prenons-nous titre d'estre, eût demandé Montaigne, de cet instant qui n'est qu'une eloise [un éclair] dans le cours infini d'une nuict eternelle ?" (Essais, II, 12, p.526, Villey). Reprenant, quant à lui, le point de vue des Sceptiques grecs, Victor Brochard souligne l’ambiguïté du je suis cartésien : « Si le fait que nous pensons est incontestable et n'a jamais été contesté, même par les sceptiques les plus décidés, c'est à condition qu'on n'y voie qu'un phénomène. Mais s'il en est ainsi, quand Descartes ajoute comme chose équivalente : Je suis, ou bien il entend seulement une existence purement phénoménale ; il veut dire : je suis pour moi, je parais être, je suis en tant que phénomène ; ce qui est une pure tautologie, n'avance à rien et ne nous fait pas sortir du point de vue subjectif. Ou bien, et c'est là sa véritable pensée, il donne au mot je suis un sens plein et complet : il entend une substance, existant par elle-même en dehors et au-delà des phénomènes. Mais alors l'égalité posée entre cogito et sum n'est plus légitime, ainsi que l'a fait remarquer Maine de Biran. Les deux termes ne sont plus du même ordre : il y a, comme on dit aujourd'hui, un brusque passage du subjectif à l'objectif qui n'est plus du tout justifié. Qu'on essaye, comme le recommande Descartes, de mettre le cogito, après qu'il a été découvert, en forme de syllogisme, et on n'y parviendra pas, car de la pensée donnée à titre de phénomène, il est clair qu'on ne saurait déduire analytiquement la substance ».
Bref, Descartes "tenait pour accordé, sans y regarder peut-être de très près, que l'esprit humain peut directement saisir la réalité". Oui. Mais, en ce cas, autant reconnaître ab initio l'évidence d'une présence.
Or, lorsqu'il parle de "la Nature", chacun jette un regard tout autour de soi, jusqu'aux bornes du visible et au-delà, avec le sentiment de l'inépuisable. Mais à une telle expérience universelle et foncière, Descartes ne pourra jamais rendre justice. Par le cogito, il inaugure un processus d'enfermement qui le sépare radicalement de la Nature, laquelle il ne retrouvera jamais. La Nature sera la grande absente du système. Lorsque Descartes parle de "nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature", on voit quelle idée rétrécie il s'en fait. Certes, dans la VIe des Méditations métaphysiques, il démontre, quoique de façon alambiquée, "l'existence des choses matérielles" mais qui, par rapport aux "choses matérielles" que nous connaissons, sont singulièrement allégées, n'ayant pas de masse. Ces "choses" sont-elles organisées en "monde" (cosmos) ? Cela n'est pas établi. S'inscrivent-elles sur le fond de ce qu'on nomme la "Nature" ? Tout au contraire, car qui dirait "Nature" (phusis), dirait quelque efficace qui échapperait à Dieu [...] »
Ah ! mais nous voilà au fait. Un placard nous tombe dessus. Un journal, des livres, une bibliothèque. Tout vient au mélange. Tous les ordres de grandeur, de passage, les fleuves, nuits et jours, un jour de grande lecture.
Marcel Conche, Présence de la nature, puf 2001
petit blanc, dessin-collage de Myra Coppey
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