Quand il est parti, il a laissé libre le loup.
Libéré la mère de son poids.
Laissé les mots à la nuit.
Maintenant, le matin, il regarde les mots de la nuit. Les mots du loup.
Martin s'est éveillé avec le jour. Bientôt les bruits de la rue entrent à flots à travers la fenêtre et l'épais rideau qui est comme une peau – encore quelques instants. Il reste à contempler les mots de la nuit, leur tempête qui s'éloigne, leur architecture, leur île.
Geneviève l'appelle au téléphone juste pour lui dire que le livre qu'il lui a prêté – dimanche il l'a vue s'enfoncer dedans, vite assombrie, presque écrasée – que ce livre est très beau, très émouvant, elle le remercie. Il revoit cet instant où il pose les yeux sur le titre du livre en le lui tendant et dit spontanément, surpris lui-même de s'entendre, je ne suis pas venu les mains vides. Car c'est (mais il n'y pensait plus) Les mains vides, de Maria Borrély.
Lui était à Cuba, sans doute, avec sa jambe qui chante (de l'ami Paul, il a hérité ces mots la jambe qui chante, pour dire ce mal – c'est sa part d'arbre, et d'étoile) sur les pas de Dominique, à la Havane, (dans les feuillets d'un livre en train de naître).
Chaïm Soutine, La liseuse endormie, Madeleine Castaing, 1937
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