Il faut imaginer une rencontre, mais de grande envergure. Il faut penser au vol des aigles, aux remontées des saumons le long des chutes. On peut dire que le pays, la nature, ses animaux, ses brumes, ses lumières, ses chemins, servent d'habitat à l'écriture. L'imaginaire trouve son lieu d'exil sur terre, vaste, accueillant et hostile, limité aussi, l'un et l'autre confrontant leurs limites. On peut le dire aussi à l'inverse : cette montagne, cette Vallée seule, ce Pays qui vient de loin, sont nourris, animés littéralement, par la chaleur de l'homme, son désir, son imaginaire.
Quant à l'existence d'une vie sauvage autour du lieu qui m'accueille, elle résulte un tant soit peu de mes choix et de leurs pratiques. J'ai apprivoisé cette montagne en ouvrant des pistes, effectué des plantations d'arbres pour en améliorer la diversité et lutter contre l'érosion, implanté des cultures, des haies pour les oiseaux et aménagé un plan d'eau en acceptant de payer mon tribut aux animaux qui s'en sont rapprochés. Tout ce petit monde duquel je fais partie, coexiste tant bien que mal, se répartit et occupe le même territoire sans qu'il ne devienne nécessaire de fixer trop de limites ou de lignes de démarcation spécifiques. Par conséquent, différence notoire, je vis et écris dans et non sur la nature.
André Bucher, À l'Écart, éditions Le mot et le reste, 2016
Photo Benoît Pupier, Chemin montant vers le col du Chabau, au loin la ferme de Grignon chez André Bucher, 12 août 2017
Photo Benoît Pupier, Chemin montant vers le col du Chabau, au loin la ferme de Grignon chez André Bucher, 12 août 2017
J'aime beaucoup la remontée aux sources des saumons dont j'imagine l'éclair volant au-dessus des eaux; tout ce texte inspire le mouvement et l'infini
RépondreSupprimerIl s'agit bien d'un éclair volant ! Il fait partie du monde d'André Bucher, de sa capacité de jaillir plus loin que le réel, vers le rêve. J'ai extrait cette image d'un autre texte du même "A l'écart" :
Supprimer"Quand le peintre et le comédien ne parviennent pas à saisir les poissons avec la main (inaptitude à relativiser, si on a un jour essayé), à la différence du bûcheron et du guide de chasse, ils les capturent depuis le ciel. Il suffit d'examiner les planches d'Hokusai, ce génial artiste japonais fou de dessin. Les pêcheurs sont debout sur la nuée et les filets, eux, déployés vers la mer. On a là bien plus qu'une charmante métaphore. Ils sont de chair, d'os et de sang, vivants ! Exprimés d'une manière on ne peut plus réaliste. Soudain, du ciel à la mer, soit une distance incommensurable symbolisée par les filets prolongés en rais de lumière, on voit les poissons remonter — comme le font régulièrement les saumons le long des chutes — et par cette image, après avoir oscillé un espace-temps entre air et eau, finir dans les casiers des nuages. "
Magnifique reste un mot trop usé; donc, pas de mot; Je note le titre du livre.
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