Accéder au contenu principal

René Girard

C'est parce que nous lisons que nous désirons écrire. L'écriture est la plongée mimétique dans le désir de lire. Lorsque il y a longtemps j'avais mis en route ces ateliers d'écriture qui devaient donner lieu plus tard à "La lecture amoureuse", la conscience était assez vite venue qu'au fond ces ateliers d'écriture – et je n'en faisais pas mystère – étaient des ateliers de lecture. S'il y avait un mystère, justement, c'était le texte. Le texte, c'est ce que nous lisons, c'est le dévoilement. L'écrit n'en est qu'une modalité. On pourrait dire, rejoignant Lacan, que c'est le langage. Le langage c'est cet ordre du réel dans lequel nous avons affaire. Les uns les autres, et non pas isolément. Le mot "affair" passé en anglais signifie histoire d'amour. J'aime lire René Girard. J'ai été convaincu par sa pensée mais surtout subjugué par son écriture. Elle n'est pas spectaculaire comme celle de Lacan. Je l'admire, elle correspond à mon désir. Je crois qu'elle me ressemble, je crois lui ressembler. J'ai une affaire avec elle.

autoportrait au livre de René Girard, 2008

Commentaires

  1. Ce lien lecture/écriture m'a toujours été évident. J'ai le sentiment que ce que j'écris est toujours une lecture écrite, exceptés peut-être les poèmes...Mais allez savoir! Et sûr que le désir et l'amour sont là à l'œuvre...et j'aime cette image de "plongée mimétique dans le désir de lire, inspirée de René Girard.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Une lecture écrite, oui, je peux adopter aussi votre expression. Tout ce qui peut rendre compte de cette continuité quasi fusionnelle. De même que lire est aussi une écriture dans le sens où il interprète, rejoue, ou recrée, réécrit donc. Il y a quelque chose qui transite, il y faut du désir, une sorte d'aspiration – pas si différente de l'inspiration, que l'on aimait croire – et qui ne peut être que mimétique, c'est à dire, d'une certaine manière, fonction d'un autre.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés

Les transformations silencieuses

J'emprunte ce titre à François Jullien. Tout comme son livre emprunte mes jours pour continuer de s'écrire. Aujourd'hui surgit peut-être ce si étrange concept de "transition" qui, comme il l'écrit "fait brutalement trou dans la continuité du changement". Cet entre-temps propre à la pensée occidentale, son symptôme plutôt, qui dit son incapacité à appréhender le mouvement incessant (silencieux) de tout et tous. Une fleur rose a éclos ce matin. Faisait-elle la transition entre l'amour partagé les jours précédents et le présent incertain, inconnu, déjà gagné de futur ? Une rose énorme qui ne quittait pas le ciel de ma fenêtre, même après midi passé quand la pluie fut arrivée. Elle était là, imperturbable comme sont ces sourires de Bouddhas, leurs bouilles épanouies quoi qu'il arrive. C'est ainsi que l'amour fou, celui qui refuse l'impermanence, se veut symbole, dieu, totem. Je revois Max Ernst et Dorothea Tanning, je ressens la...

L'âme

     L'âme adore nager.    Pour nager on s'étend sur le ventre. L'âme se déboîte et s'en va. Elle s'en va nageant. (Si votre âme s'en va quand vous êtes debout, ou assis, ou les genoux ployés, ou les coudes, pour chaque position corporelle différente l'âme partira avec une démarche et une forme différentes, c'est ce que j'établirai plus tard.)    On parle souvent de voler. Ce n'est pas ça. C'est nager qu'elle fait. Et elle nage comme les serpents et les anguilles, jamais autrement.    Quantité de personnes ont ainsi une âme qui adore nager. On les appelle vulgairement des paresseux. Quand l'âme quitte le corps par le ventre pour nager, il se produit une telle libération de je ne sais quoi, c'est un abandon, une jouissance, un relâchement si intime.    L'âme s'en va nager dans la cage de l'escalier ou dans la rue suivant la timidité ou l'audace de l'homme, car toujours elle garde un fil d'elle a lui, ...

Faufiler

Je ne peux lire un livre sans en écrire quelque chose. La plupart du temps ça ne sera lu par personne, ça ne paraîtra nulle part. Ça apparaîtra pourtant, dans l'espace d'une page griffonnée ou seulement dans le ciel de ma pensée. C'est cet espace qui importe à la lecture, il lui faut prendre les airs, rejoindre le monde extérieur, celui dont le lecteur a la clé, peut ouvrir les fenêtres et les portes. Mon crayon se promène et comme un bec d'oiseau il faufile à l'aventure dans le ciel au-devant de moi. Ainsi les choses m'apparaissent à mesure que je les rejoins, que je les relie à l'espace d'un autre, qui va s'effaçant. En lisant "À l'Écart" d'André Bucher Photographie de Gisèle Freund, Two friends watching the sea,1952