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génocides

La lecture des génocides est l'ultime lecture.
Non seulement l'humanité s'y auto-détruit mais la lecture s'y auto-détruit.
Les chapitres sont courts. Vous mettez du temps à les lire. Au bout de chacun la sidération s'est emparée de vous. Plus rien n'a de sens. Sauf les oiseaux que vous entendez par la fenêtre ouverte. Parce que vous avez survécu. Tout ce qui n'est pas humain a survécu. Vous êtes des oiseaux. C'est pourquoi vous émergez de la sidération – grâce à eux. Toutes les 2, 3 lignes même, à chaque phrase même, vous deviez vous arrêter. Etouffé, sortant de l'apnée, flottant au-dessus du coma de votre vérité : vous êtes cet humain qui bascule, d'abord dans le meurtre, puis dans le génocide – parce qu'il n'y a pas 2 humains, et que vous avez fait la partition. Vous avez pris la machette. Simplement en lisant. Vous avez compris. Seuls les oiseaux ont pu vous sauver.
Mais vous avez perdu votre humanité. Vous savez que vous n'avez jamais eu d'humanité. Le mot n'existe pas.


à propos de "Une saison de machettes" de Jean Hatzfeld
photo r.t

Commentaires

  1. Il me semble que ce que j'avais écrit sur fb a plus sa place ici; J'en fais donc un copié collé. Par contre, j'ai encore échoué à commenter "Mon grand-père" bien que l'annonce"en attente de modération" soit apparue...comme la première fois.


    J'ai ressenti, à lire "Une saison de machettes" la même émotion, le même désespoir à réaliser qu' au fond de tout humain, moi y compris, par conséquent, guettait la cruauté qui caractérise l'humanité tout en nous en expropriant, selon le sens donné à ce terme. Et rejoindre les oiseaux en est le contrepoint...encore humain.

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