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Fantaisie

Si l'auteur court devant, c'est dans les mots qu'il court. Il ne se laisse pas rattraper par cette jouissance, encore dans son ombre, comme s'il la narguait, la provoquait. A mesure, elle grandit et ne le lâche pas. "L'inconscient structuré comme un langage" le fait produire du langage. L'inconscient – désir de langage – désir de verbe était au commencement (de l'humanité), et non le verbe. Pour l'instant il court, dans le langage, son ombre derrière lui. Il se sent créer, il se sent double et uni. Libre d'une liberté prise et reçue, à la fois. Pas d'autre bonheur, ni plus grand.
Là-dedans baigne aussi la lectrice, celle qui ne court pas, elle prend le livre en elle. C'est en elle qu'elle le fait courir.
Alors, de nouveau, quelque chose en partage vient exister, quelque chose d'inconnu et de si bien connu pourtant, de désiré. Ils s'en délectent. Ils le respirent. Ils ralentissent le mouvement. Pour que rien ne s'arrête. Respirent le texte du désir. Respire le texte du désir.

Picasso, 1967

Commentaires

  1. Même si je pense que l'affirmation :"l'inconscient est structuré comme un langage" ne suffit pas à définir l'inconscient, j'apprécie beaucoup cette approche de la jouissance des mots dans vos textes que je viens de lire.

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  2. J'ai tenté en vain de laisser un commentaire sur le poème "Mon grand-père", que j'ai beaucoup aimé.

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    1. Merci de votre écho.
      (normalement, au bas de la page, on devrait pouvoir cliquer sur "écrire un commentaire") http://poemesparenethibaud.blogspot.fr/2008/08/mon-grand-pere.html

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  3. J'ai également tenté de donner suite mais…

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    1. De la même façon, j'échoue à vouloir commenter votre GUERRE…, MAIS GUÈRE !

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  4. En principe, il suffit de laisser un commentaire que j'approuve, ensuite… Mais à la guerre comme à la guerre… Internet ne répond pas de moi, je ne réponds pas lui…, malgré une longue pratique… Ceci dit, je trouve votre blogue bien avenant !

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